Découvrons la faune sauvage

Découvrons la faune sauvage

Les dhôles, des chiens sauvages étonnants...

Le Dhôle (Cuon alpinus) en péril, un chien sauvage d'Asie encore méconnu...

 

Lorsque l'on évoque les différentes espèces de Canidés - outre le chien -, chacals, coyotes, loups, dingos ou lycaons s'imposent immédiatement à notre esprit. Les dhôles, bien que faisant également partie de la famille, demeurent encore méconnus, voir totalement inconnus.

 

Depuis 2003, dans ses missions de conservation, de recherche et de diffusion des connaissances zoologiques,  la Réserve de la Haute-Touche se félicite de présenter l'unique groupe de reproduction de dhôles en France. Cette remarquable meute, constituée de 27 individus en 2011, est aujourd'hui la plus importante que l'on puisse observer  en captivité dans le monde.

 

Un "chien rouge", pas un renard !

 

Surnommé "chien rouge" en raison de son pelage brun roux, le dhôle,  avec sa longue queue noire touffue, constitue la seule espèce du genre Cuon. Les sous espèces, neufs à onze en fonction des auteurs, ne diffèrent les unes des autres que par leur répartition géographique ainsi que la longueur et la  nuance de teintes de leur pelage.

 

Malgré son apparence extérieure de renard, sa tête évoque bien celle d'un chien.  Les études génétiques menées récemment sur le génome mitochondrial confirment un rapprochement systématique significatif entre les dhôles et le genre Canis (loups, chiens, coyotes…) plutôt qu'avec les genres Vulpes (Renards) ou Nyctereutes (Chien viverrin).

Le dhôle ne possède cependant que 40 dents au lieu des 42 habituelles  chez la  plupart des canidés. Il partage en fait cette "réduction dentaire" avec le lycaon (genre Lycaon) et le chien des buissons (genre Speothus), ce dernier n'en possédant que 38. Cette caractéristique dentaire ne permet pourtant pas de prêter à ces trois carnivores une lignée évolutive séparée du tronc commun des canidés.  Elle reflète plutôt une spécialisation dans un régime carnivore exclusif. En effet, la perte d'une molaire de chaque côté de la mâchoire inférieure entraîne un raccourcissement des mâchoires et accroît la puissance de la morsure.

 

Une répartition géographique de plus en plus restreinte…

 

Ce petit canidé de 15-20 kg et de 40 à 55 cm au garrot, fréquente préférentiellement les forêts denses à proximité d'un point d'eau sur des aires où les proies restent relativement abondantes et les humains peu présents.  Plutôt diurne et crépusculaire, il peut occasionnellement être actif la nuit.

Très bon nageur, l'eau représente un facteur déterminant de sa présence puisqu'il doit boire en grande quantité après chaque repas.

Le dhôle a su s'adapter à tous les types de climats, de l'Inde tropicale à la taïga sibérienne. Présentant une faculté d'adaptation extraordinaire, il est l'un des chiens sauvages les plus répandus en Asie.

 

Autrefois largement répandus dans le Centre et le Sud-est de l'Asie, les populations de dhôles restent, à ce jour, faibles et fragmentées dans la plupart des régions. Dans plusieurs pays, comme la Mongolie, la Russie, le Kazakhstan, et le Kyrgyztan, l'espèce a même disparu au cours des dernières années. La population mondiale de Cuon alpinus, listée comme une espèce en danger d'extinction par l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN), est estimée à moins de 2500 individus.

En captivité, en 1855, le zoo d'Amsterdam présente des dhôles pour la première fois en Europe. En 1909, le zoo de Cologne déclare les premières naissances. Fin 2010, les 230 dhôles présentés dans les établissements zoologiques européens représentent plus de 65% de la population captive mondiale.

 

Victimes de l'homme

 

L'explosion démographique de la population humaine accompagnée d'une politique d'extension, la régression des espèces proies et la diminution constante des habitats entraînent un décroît progressif des populations de dhôles.

En plus d'être victime d'empoisonnement, le dhôle fait l'objet d'une chasse importante partout où il est présent, les chasseurs le considérant comme un concurrent alimentaire. Lui-même, dans certains cas, peut devenir le repas des hommes.

Protégé en Inde depuis 1972 (avec les moyens du bord !), l'UICN classe en 1990 le dhôle parmi les espèces vulnérables puis en danger. La sous-espèce indienne, Cuon alipinus primaevus, présente une régression inquiétante en raison d'une forte sensibilité à certaines maladies, comme la rage.

Malgré l'utilisation locale de sa fourrure, le commerce international de cet animal est réglementé et reste insignifiant.

 

Une vie en meute hiérarchisée

 

Même si des groupes de plus de 30 individus sont régulièrement observés, une meute de dhôles rassemble, le plus souvent, entre 5 à 10 adultes accompagnés de leurs jeunes. Il semble important de remarquer qu'au sein de la majorité des meutes sauvages observées on trouve deux fois plus de mâles que de femelles. Ces meutes défendent ardemment un territoire de chasse d'environ 40 à 80 km² qu'elles marquent olfactivement à grand renfort d'urine et de crottes.

Au sein de ces groupes, une hiérarchie stricte et "solide" réduit les luttes interindividuelles qui restent d'ailleurs très peu fréquentes.

 

      Une partie de la meute veille sur les entrées de la tanière principale.   © Patrick Roux

 

 Des chasseurs particulièrement efficaces

Les dhôles chassent en groupe, repèrent leurs proies grâce à un odorat subtil plutôt qu'à l'ouie et les poursuivent ensuite à vue. Comme beaucoup de canidés, leur course n'est pas particulièrement rapide, mais ils sont dotés d'une grande résistance, leur permettant de maintenir l'effort plusieurs heures et de fatiguer ainsi l'animal chassé.

 Les proies diffèrent selon les régions : antilopes, mouflons, gorals, cerfs de toutes tailles (dont les sambars), lièvres, lapins, reptiles, chèvres sauvages et plus fréquemment, sangliers. Une meute peut agresser et même tuer des buffles et des gaurs, dont le poids est jusqu'à 40 fois supérieur à celui de ces chiens sauvages. Ils ont également été ponctuellement observés tuant un léopard, un ours ou un tigre. Sachant que leur taille est à peine supérieure à celle d'un chacal, on imagine facilement l'acharnement extraordinaire de ces animaux et l'efficacité de leurs méthodes.

Le plus fréquemment, au terme d'une longue poursuite, la meute encercle sa victime, commence à l'attaquer de toute part, puis la tue. Un dhôle peut dévorer 4 kg de viande en une seule fois. Habiles chasseurs, ils utilisent parfois les accidents de terrain pour mener leur proie vers un précipice.

Lors de ces fastidieuses courses, les dhôles émettent continuellement des vocalisations de contact dans le but de conserver la cohésion du groupe. Ces divers cris ou sifflements peuvent sembler effrayants et leur donnent  une réputation de "tueurs vicieux et cruels".

Malgré la taille de la meute, le partage alimentaire se fait sans tensions importantes © Patrick Roux

De beaux parleurs !

 

Les dhôles possèdent une gamme complexe et peu commune de vocalisations. Leur langage courant se compose d'aboiements, de gémissements, de grognements, de grondements, de couinements, de hurlements et de sifflements (pour réunir les membres de la meute à la suite d'une chasse infructueuse). Ils peuvent également caqueter "comme un poulet", c'est ce qu'on appel le "yak-yak" de vocalisation. Si le dhôle n'est pas encore une espèce très étudiée, son importante activité acoustique fait l'objet de plusieurs recherches.

 

Le cycle des générations

 

La saison de reproduction s'étend de septembre à février, précédée d'une période de pré-œstrus (novembre-décembre) tendue, pendant laquelle les dominants exacerbent leurs comportements hiérarchiques afin d'affirmer leur rang.

Comme chez les loups, les couples dominants de certaines meutes peuvent être les seuls à se reproduire. Cependant, au sein d'autres groupes, plusieurs femelles peuvent donner naissance à des portées de 4 à 6 petits.

Elles peuvent alors réunir tous les jeunes et les allaiter en commun pendant 8 semaines ; après quoi, comme chez le loup, les petits se nourriront de viande régurgitée par l'ensemble des membres du groupe.

 

Les femelles peuvent être très sociables et s'occuper en commun de leurs jeunes. Sous la garde d'un adulte, pendant les parties de chasse, ces derniers ne quittent pas les alentours de la tanière avant l'âge de 10 semaines. Durant cette période, les luttes pour l'établissement de la hiérarchie entre jeunes sont fréquentes. Ces "joutes amicales" de dominance cessent lorsque qu'ils sont en âge de chasser soit vers 7 mois. Matures à 1 an, les individus deviennent  libres de quitter leur groupe d'origine. Il ne semble pas exister de règles définies dans la dispersion des individus et les échanges intergroupes, mais les jeunes femelles semblent partir plus précocement que les jeunes mâles.

 

La toute première portée de dhôles en France… à la Réserve de la Haute-Touche  

 © Patrick Roux

 

A la Haute-Touche

 

En Mars 2003, la Réserve de la Haute-Touche reçoit de Hollande (Beegse Bergen Safari  Park) ses premiers dhôles : 5 femelles de deux ans. Leur arrivée dans le nouvel enclos, de près de 8000 m², se passe dans le plus grand calme, ces demoiselles ne montrant aucun comportement de "nervosité" ou de signe de stress.

 

L'Association Européenne des Zoos et Aquarium (EAZA) procédait alors à une évaluation de l'espèce afin de définir si elle pouvait entrer dans un plan d'élevage européen (EEP) viable. La Haute-Touche a donc attendu la fin de cette enquête, durant laquelle furent évalués les effectifs de la population captive sur notre continent ainsi que sa structure génétique. Ce travail a permis l'année suivante de choisir des mâles de façon à former un groupe de reproduction au potentiel de variabilité génétique le plus diversifié possible. Deux mâles furent donc transférés d'Allemagne (Dresden) à la Haute-Touche en juillet 2004 après acceptation de la nouvelle coordinatrice allemande, Heike Maisch.

 

A leur arrivée, les mâles sont tout d'abord installés dans les enclos de mise en contact (isolés des visiteurs) afin que les femelles puissent s'habituer à leur présence et que nous puissions étudier les comportements de celles-ci face aux nouveaux arrivants. L'absence d'agressivité des femelles vis-à-vis des mâles et les interactions "amicales" nous permettent deux semaines plus tard d'entreprendre la mise en contact, sous étroite surveillance malgré tout. Les mâles conservent néanmoins la possibilité de s'isoler dans leurs enclos de contact par un système de trappes style "chatière", ou plutôt "dhôlière" dans notre cas.

 

 

Surveillance du territoire ; les perchoirs sont importants pour cette activité ainsi que pour les jeux fréquents  

 © Patrick Roux

 

Cette mise en contact n'a en rien perturbée la hiérarchie qui s'était préalablement établie entre les femelles, cependant, l'acceptation des mâles dans la vie de meute ne s'est pas faite pas à l'unanimité. Santos, notre plus jeune mâle s'intègre rapidement au groupe puisque dès le lendemain il est régulièrement observé au sein du groupe féminin : il  deviendra naturellement le mâle alpha. Fabian, son grand frère de deux ans, quant à lui, doit rester à l'écart sous peine de poursuites insistantes des femelles ; il sera par la suite toléré mais jamais totalement intégré. Nos études, depuis maintenant  6ans, tendent à décrire deux hiérarchies parallèles entre mâles et femelles.

L'organisation sociale de notre groupe s'instaure donc progressivement et sans réels heurts : cela se traduit neuf mois plus tard par la mise bas de la première portée française de dhôles.  Quatre jeunes (1 mâle et 3 femelles) furent ainsi élevés par notre couple alpha aidé par le reste de la meute (excepté Fabian).

L'année 2006 est plus "chaotique" : nous assistons à la naissance de trois portées, résultat d'une remise en cause de la hiérarchie chez nos deux mâles. La première portée est, dès la mise bas, tuée par les dominants. Cette malheureuse fratrie appartenait en fait à un couple dominé, à la situation hiérarchique peu élevée. Les deux autres portées (l'une du couple dominant, l'autre du mâle dominant et de la femelle béta) furent parfaitement élevées en commun par leurs mères, le père, une "nounou" et tous les jeunes de l'année précédente.

2007 fut encore témoin d'un heureux évènement : la naissance des 5 chiots de la portée des dominants. Une deuxième portée, issue du couple de dominés de 2006, connut également une fin  tragique. Il semble que ce couple, bien qu'accepté dans la structure sociale de la meute en dehors de la période de reproduction, n'occupe pas une place hiérarchique suffisamment importante pour avoir droit de se reproduire. Nous décidons alors de transférer ce couple dans un autre établissement zoologique afin de lui donner une chance…  pendant que notre surplus de femelles partait pour le zoo de Kolmarden (Suède).

 

Une portée de 5 chiots au repos entre deux périodes de jeux acharnés  

 © Patrick Roux

 

Tout est alors revenu au calme jusqu'en 2011 à la mort du mâle dominant. Suite à cet évènement, l'instauration lente d'une nouvelle hiérarchie des mâles, ou "chacun tente sa chance" entraîne une explosion démographique avec pas moins de 4 portées et 18 chiots, dont 11 survivent. La Haute-Touche commencera donc l'année 2012 avec 27 individus, constituants une meute considérable mais néanmoins stable et sans comportement agonistique remarquable.

 

Un enclos adapté…

 

La stabilité de cet important groupe est due en partie à la taille et l'aménagement de l'enclos. Les 8000 m² forestiers sont structurés de façon à ce que de nombreuses barrières visuelles coupent les lignes de vues. Effectivement, nous observons, chez les dhôles, que la principale cause de conflits reste l'observation directe d'un congénère moins apprécié ou qui exprime un comportement "dérangeant". Nous devrons continuer dans cette voie en plantant des buissonnants dans l'enclos afin de fournir  des lieux de substitution visuels supplémentaires à nos animaux…

Une mare, peu profonde, dont la superficie devra certainement être un peu agrandie dans le futur, permet aux dhôles de tous âges d'exprimer des comportements souvent observés en milieu naturel et exacerbés par la présence d'eau : nager, bien sûr, et de nombreux jeux.

 

 

Jeunes comme adultes passent de longues périodes de jeux autour du point d'eau  

© Patrick Roux

 

L'installation de plusieurs tanières évite les conflits en cas de multiples portées et permet à une mère de déménager ses jeunes en cas de dérangement, les dhôles le faisant fréquemment.

Enfin, deux enclos d'isolement avec passage par trappes permettent aux individus, momentanément rejetés, de s'isoler physiquement du reste de la meute.

Tous les membres du groupe sont libres d'y entrer. Les tensions sont toujours moindres dans un lieu exigu, où le dominé risque, faute de pouvoir fuir, de faire face, et les dominants évitent de s'y aventurer.

 

Malgré la stabilité hiérarchique de notre groupe, nous devons bien entendu gérer ce nombre et les dossiers de transfert de certains de nos animaux sont déjà traités en vue de leur départ en début d'année vers l'Angleterre et l'Allemagne. A moyen terme, un déficit de femelles aux Etats-Unis nous permettrait de faire partir nos naissances 2010 vers l'Amérique… Bien entendu, le choix de ces animaux tient compte de leur situation hiérarchique afin que leur départ ne déstructure pas notre meute d'origine. Pour ce faire, nous étudions chaque année l'évolution de leur structure sociale…

 



30/01/2012
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